Dona Isabel et l’Amazonie : un périlleux voyage
L'Amazonie est, dans l'imaginaire collectif, une forêt dangereuse, peuplée d'indigènes, où la faune et la flore luxuriante représentent autant de dangers pour qui ose s'y aventurer. L'aventure de Dona Isabel en Amazonie en témoigne. Née en 1728 dans l'actuel Équateur, Isabel Godin des Odonais, née Grameson, était la fille de Don Pedro Grameson y Bruno, administrateur de Riobamba, une ville coloniale de la Vice-Royauté du Pérou. À l'âge de 14 ans, elle épousa Jean Godin des Odonais, un cartographe et naturaliste français qui se joignit à une mission géodésique dans la région de Quito, dirigée par son frère Louis. Leur union les conduisit à s'installer à Riobamba, où Dona Isabel donna naissance à quatre enfants, tragiquement décédés dans leur enfance. En 1749, la vie de la jeune femme prit un tournant lorsque Jean Godin apprit le décès de son père, amorçant ainsi une longue période de séparation qui devait éprouver leur amour et leur résilience face à l'adversité….
Dona Isabel et Jean Godin : séparés par l’Amazonie
Alors qu'Isabel était de nouveau enceinte, Jean Godin entama en mars 1749 une traversée périlleuse de l’Amérique du Sud par la forêt amazonienne dans le but de rejoindre la Guyane française. Cette expédition, qui dura un an, visait à évaluer la faisabilité de ce trajet avec sa famille et à prendre les mesures administratives nécessaires auprès des autorités françaises. En 1750, après avoir atteint Cayenne, Jean chercha à revenir chercher Dona Isabel et leur nouveau-né, mais se heurta au refus des autorités coloniales portugaises et espagnoles de lui permettre de traverser à nouveau leurs territoires. Déterminé à ne pas abandonner sa famille, il resta à Cayenne et lutta pour obtenir les autorisations requises afin de retourner à Riobamba. Cependant, ses efforts se révélèrent vains jusqu'en 1765, lorsque le roi du Portugal, Joseph 1er, ordonna qu'un navire ramène enfin Jean auprès de sa femme. Pour des raisons floues, peut-être une maladie ou la crainte d'une embuscade, Jean se sépara de cette mission en cours de route. De son côté Dona Isabel patiente toujours, en quête d’un signe de son mari pour entamer la grande traversée de l’Amazonie.
L’Aventure de Dona Isabel à travers l’Amazonie
Deux années après le départ du navire portugais, la rumeur de sa présence de l’autre côté de la Cordillère des Andes parvient aux oreilles de Dona Isabel. Déterminée à retrouver son époux, elle décide de monter une expédition audacieuse, composée d’un de ses fidèles domestiques, Joachim, et de quelques indigènes. Malgré les défis et les dangers qui jonchent leur chemin à travers l'Amazonie impénétrable, cette petite troupe perseverante revient finalement victorieuse. Avec une détermination inébranlable, Dona Isabel entame alors son propre périple à travers l'immensité de l'Amazonie, guidée par l'espoir de retrouver enfin le navire portugais qui détient la clé de leurs retrouvailles tant attendues.
Un groupe petit à petit décimé par la rudesse de l’Amazonie
Dona Isabel, issue d'une famille de bonne réputation locale, entame son expédition dans un confort relatif, étant transportée sur une chaise à porteurs et accompagnée d'une suite opulente comprenant médecins, domestiques et porteurs, avec même quelques membres de sa famille rejoignant l'aventure. Cependant, les conditions difficiles du voyage à travers la cordillère des Andes et de la forêt tropicale deviennent rapidement évidentes. Le groupe subit des pertes dès les premiers jours, avec de nombreux Amérindiens fuyant dans la forêt. Arrivés à Canelos, ils n’y découvrent que désolement. Censés y trouver un bateau pour les mener à Andoas, ils ne trouvent guère que quelques indigènes prêts à les aider, tandis que de nombreux autres ont fui l’expédition. Dépourvus et incapables de naviguer sans une embarcation solide, ils entreprennent la construction d'un radeau après plusieurs jours de marche. Malheureusement, celui-ci s'avère trop lourd et coule immédiatement, le fleuve emportant avec lui les maigres provisions restantes. La mauvaise alimentation, les infections et les piqûres d'insectes commencent à décimer les compagnons de Dona Isabel, laissant le groupe dans une lutte désespérée pour survivre dans la jungle impitoyable de l'Amazonie.
Dona Isabel, seule au coeur de l’Amazonie
Probablement dotée d'une constitution robuste, perdue dans l’immensité de la forêt amazonienne, Dona Isabel se retrouve malheureusement la seule survivante de l'expédition. Plongée dans un état de panique et de folie, elle erre désespérément dans la jungle, totalement isolée et dépourvue de ressources. Les traumatismes incommensurables qu'elle a endurés, depuis la perte déchirante de ses quatre enfants jusqu'au décès tragique des membres de sa famille lors de l'expédition, la plongent dans un état de torpeur extrême. Après dix jours d'errance solitaire et désespérée, elle est miraculeusement secourue par des Amérindiens bienveillants qui la soignent et la nourrissent. Grâce à leur aide précieuse, Dona Isabel parvient à retrouver ses forces et à reprendre sa route vers Andoas, d’où elle pourra rejoindre le fameux navire portugais qui les attend à Iquitos
Les retrouvailles de Dona Isabel et Jean
La deuxième partie du trajet se fait sur le navire portugais, en compagnie de son père dans des conditions bien plus enviables : nourriture, boissons, lit… En une dizaine de semaines, le fleuve Amazone est descendu. La nouvelle de l'arrivée imminente de Dona Isabel se répand comme une traînée de poudre, et le 22 juillet 1770, après 19 longues années de séparation, Isabel et Jean se retrouvent enfin dans la ville d'Oiapoque. Leur réunion marque la fin d'une épreuve de patience et de détermination qui a traversé deux décennies.
Carte du périple de Dona Isabel à travers l’Amazonie
- Départ de Riobamba en 1769 avec une grande équipe vers Canelos
- Après un ou deux mois de voyage, l’expédition arrive à la mission de Canelos, sur les bords du Rio Bobonaza. Elle était censée y être attendue mais une épidémie de petite vérole a décimé le village.
- C’est en tentant de rejoindre la mission d’Andoas que les choses se compliquent et que Dona Isabel se perd seule, dans la forêt Amazonienne.
- Secourue par des amérindiens, elle est menée à Andoas où elle est soignée et nourrie.
- Puis, elle est emmenée à Iquitos où le navire portugais l’attend, avec son père.
- De là, le voyage est beaucoup plus paisible jusqu’à Oiapoque où elle retrouve Jean
N’hésitez pas à découvrir mes cartes anciennes des régions amazoniennes traversées par Dona Isabel dans mes cartes anciennes de l’Amérique du Sud.