De la peau de mouton au papier synthétique : une histoire des supports des cartes géographiques

De la peau de mouton au papier synthétique : une histoire des supports des cartes géographiques

L'histoire des papiers utilisés en cartographie remonte à l'époque où la cartographie est apparue comme un outil important pour la navigation et la représentation de l'environnement géographique. Depuis, les papiers utilisés ont évolué en fonction des besoins et des avancées technologiques. Dans cet article, nous allons explorer l'histoire des papiers utilisés en cartographie et découvrir les avancées qui ont façonné le domaine au fil du temps.
 

Le Moyen-Âge : à l'origine des supports cartographiques

Les premières cartes, pour beaucoup gravées sur des parchemins, étaient bien plus qu'un simple moyen de représentation : elles étaient le témoin de la curiosité insatiable de l'homme pour le monde qui l'entoure. À une époque où la technologie était inexistante et où chaque outil était façonné à la main, l'élaboration de cartes était un art autant qu'une science.
 
Les parchemins, provenant de la peau d'animaux tels que les moutons, les chèvres ou les veaux, étaient méticuleusement préparés pour offrir une surface plane et lisse. Leur coût élevé et leur nature délicate rendaient le travail des cartographes d'autant plus complexe. Une erreur de tracé pouvait compromettre des heures de travail. Malgré ces contraintes, ils ont réussi à produire des cartes d'une incroyable précision, avec parfois des embellissements artistiques.
 
Parmi ces cartes, les portulans tiennent une place spéciale. Ces cartes maritimes médiévales étaient destinées à la navigation en mer Méditerranée. Très détaillées, elles représentaient les ports, les côtes, et étaient ornées de lignes radiales, les "rhumbs", qui indiquaient les directions à suivre.
 
L'un des portulans les plus célèbres est sans doute la "carte Pisane", datant de la fin du XIIIe siècle. Nommée d'après son lieu de découverte, Pise, cette carte n'est pas seulement remarquable pour sa précision, mais aussi parce qu'elle présente une partie de la côte sud-américaine, dévoilant des connaissances géographiques avancées pour l'époque.
Carte Pisane
Carte Pisane (je n'ai pas de Portulan original !)
En observant ces parchemins et ces portulans, nous découvrons un riche héritage de la cartographie ancienne, reflet du désir de l'homme de comprendre et d'explorer le monde qui l'entoure. Ces œuvres, qu'elles soient purement fonctionnelles ou ornées d'embellissements, témoignent de la passion et de la maîtrise de ces cartographes qui, siècle après siècle, ont tracé les contours de notre connaissance du monde.
 

La fin du Moyen-Âge : les débuts du papier en Occident

À la fin du Moyen-Âge, une transformation majeure est survenue dans le monde de la cartographie et de l'écriture : le passage des parchemins au papier. Les parchemins, bien qu'élégants et durables, étaient issus d'un processus de fabrication long et coûteux, impliquant le traitement des peaux d'animaux.
 
L'arrivée du papier, fabriqué à partir de chiffons de lin ou de chanvre, a marqué une véritable révolution. Moins onéreux et plus flexible, le papier a été adopté rapidement dans toute l'Europe. Les premières fabriques de papier ont vu le jour en Espagne et en Italie, profitant de techniques importées d'Orient, et leur savoir-faire s'est rapidement étendu à travers le continent, notamment avec l'invention de l'imprimerie.
 
Pour les cartographes, l'avènement du papier a été une bénédiction. Non seulement il leur offrait un support plus facile à manipuler, mais il leur permettait également de réaliser des esquisses préliminaires, de tester des idées et de corriger leurs travaux avec une facilité inégalée. De plus, la capacité de produire en masse des copies identiques a permis une diffusion plus large des cartes, faisant de la cartographie une discipline plus accessible et répandue.
 
En somme, l'adoption du papier, a ouvert la voie à des avancées majeures en cartographie, en permettant aux cartographes de travailler avec une plus grande aisance et de partager plus largement leur connaissance du monde.
 

XVIII et XIXe : l'industrialisation de la production du papier

Les XVIII et XIXe siècle en Europe ont été des siècles de bouleversements et d'innovations dans de nombreux domaines, et la cartographie n'a pas échappé à cette dynamique. L'industrialisation de la production de papier a joué un rôle crucial dans cette évolution, offrant aux cartographes une palette bien plus vaste de supports sur lesquels travailler.
 
Avec l'essor des machines et l'amélioration des techniques de fabrication, le papier, autrefois produit artisanalement et en quantités limitées, est devenu largement accessible. Cet accès accru à une diversité de papiers a influencé directement la manière dont les cartes étaient produites, distribuées et utilisées.
 
Les différents types de papiers disponibles offraient une variété de textures et de résistances. Les papiers grossiers, parfois rugueux au toucher, étaient généralement utilisés pour des esquisses préliminaires, des croquis ou des cartes destinées à un usage quotidien et pragmatique. En revanche, les papiers fins, lisses et de haute qualité étaient réservés aux cartes plus élaborées, souvent destinées à un public érudit, aux institutions ou aux navigateurs nécessitant des détails précis. Ces papiers haut de gamme permettaient une meilleure adhérence de l'encre, garantissant ainsi des tracés plus nets et des détails finement représentés.
 
L'abondance de papier a également permis une multiplication des éditions. Les cartographes pouvaient désormais réaliser des mises à jour plus fréquentes de leurs cartes, s'adaptant ainsi rapidement aux découvertes géographiques ou aux changements politiques. Cette flexibilité était essentielle à une époque marquée par des explorations, des colonisations et des révolutions.
 
De plus, cette industrialisation a démocratisé l'accès à la cartographie. Autrefois réservées à une élite, les cartes de Cassini ou encore les cartes d'Etat-Major sont devenues des objets du quotidien, utilisées par les commerçants, les voyageurs, les enseignants et même le grand public.
Détail d'une carte de Cassini
Détail d'une carte de Cassini
Ainsi, les XVIIIe et XIXe siècles, en combinant innovations techniques et aspirations intellectuelles, ont redéfini la cartographie, la propulsant vers de nouveaux horizons et la rendant plus centrale que jamais dans la société européenne.
 

Les supports de cartes au XXe

Le XXe siècle a marqué un tournant décisif dans l'histoire de la cartographie, principalement grâce aux avancées technologiques en matière d'impression et de numérisation. Alors que les siècles précédents avaient vu des progrès significatifs dans la qualité du papier et les techniques d'impression, c'est véritablement au XXe siècle que ces évolutions ont atteint un nouveau palier, notamment avec l'avènement de l'IGN en 1940
 
Avec l'essor des techniques d'impression modernes, notamment la lithographie offset et l'impression numérique, les types de papiers utilisés en cartographie ont connu des changements substantiels. Des papiers spéciaux, conçus pour optimiser la qualité des impressions, ont vu le jour. Ces papiers étaient souvent traités avec des revêtements spéciaux qui permettaient une meilleure adhérence de l'encre, assurant ainsi une résolution plus élevée et des détails plus fins.
 
La résistance aux intempéries est devenue également un critère important, surtout pour les cartes utilisées en extérieur ou dans des conditions difficiles. Certains papiers étaient ainsi traités pour être imperméables ou résistants à l'humidité, une caractéristique cruciale pour les cartes topographiques utilisées dans des environnements variés, allant des forêts humides aux déserts arides.
 
La durabilité a été un autre facteur clé dans le développement de ces papiers spéciaux. Avec l'augmentation de l'utilisation des cartes dans des domaines comme la recherche, le militaire ou l'exploration, la nécessité d'avoir des cartes qui pouvaient résister à l'usure du temps et à un usage intensif était primordiale. Des papiers renforcés, souvent laminés ou traités avec des agents de conservation, ont donc été créés pour prolonger la longévité des cartes.
Détail d'une carte IGN
Détail d'une carte IGN
En parallèle, l'avènement des supports numériques a offert une nouvelle dimension à la cartographie. Bien que le papier reste un choix populaire pour certaines applications, la transition vers des cartes digitales a ouvert de nouvelles possibilités en termes de partage, de stockage et d'interactivité, sans sacrifier la qualité ou la précision.
En résumé, le XXe siècle a été une période d'innovations fulgurantes dans le domaine de la cartographie, bouleversant non seulement les techniques d'impression mais aussi les matériaux de base utilisés. Ces évolutions ont permis d'atteindre des niveaux inégalés de précision, de résilience et de durabilité, satisfaisant ainsi les besoins d'une société en constante évolution.
 

Conclusion

En conclusion, l'histoire des papiers utilisés en cartographie reflète l'évolution de la technologie et des besoins en matière de cartographie. De la peau d'animal à la production industrielle de papier, en passant par les papiers couchés et les papiers spéciaux pour l'impression numérique, les papiers utilisés en cartographie ont évolué pour répondre aux besoins de la gravure, de l'impression et de la cartographie en général.
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