Alain Bombard, navigateur et naufragé volontaire

Alain Bombard, navigateur et naufragé volontaire

Alain Bombard, un nom qui résonne encore dans les esprits comme celui d'un aventurier intrépide et d'un scientifique audacieux. Médecin de formation, Bombard a marqué l'histoire en 1952 en se lançant dans une traversée de l'Atlantique en solitaire à bord d'un simple canot pneumatique, sans provisions ni équipement de secours. Son but ? Prouver que l'être humain pouvait survivre en mer en se nourrissant uniquement de ce que l'océan offre. Cette aventure, à la fois héroïque et controversée, a bouleversé les connaissances de l'époque sur la survie en mer et continue d'inspirer ceux qui repoussent les limites de l'endurance humaine. Dans cet article, nous allons explorer les motivations qui ont poussé Alain Bombard à entreprendre cet exploit, les défis qu'il a rencontrés en chemin, et l'impact durable de ses découvertes sur les sciences maritimes et la survie.

De médecin à navigateur, la folle histoire d’Alain Bombard

Alain Bombard est né le 27 octobre 1924 à Paris, dans une famille passionnée par la science et la médecine. Dès son plus jeune âge, il se distingue par une curiosité insatiable pour le monde qui l'entoure, un trait de caractère qui le poussera plus tard à défier les conventions établies. Son intérêt pour la mer se manifeste très tôt et il apprend la pratique de la voile en Bretagne. Cette fascination pour l'océan ne cessera de croître au fil des années, jusqu'à devenir le centre de sa carrière et de sa vie.

C'est au cours de ses études de médecine que Bombard a sa révélation concernant le sujet de la survie en mer. En 1951, alors qu'il n'est encore qu'interne en médecine à Boulogne-sur-Mer, il est confronté à une tragédie qui marquera profondément son esprit : le naufrage d'un navire, entraînant la mort de nombreux marins. Cette expérience, racontée dans son ouvrage Naufragé Volontaire, aura sur lui l’effet d’un électrochoc et l'amène à s'interroger sur les capacités de l'Homme à survivre dans des conditions extrêmes, face à la soif, la fatigue et la faim.

Poussé par cette interrogation, Bombard consacre les années qui suivent à étudier la survie des naufragés. D’abord à Boulogne, puis à l’Institut Océanographique de Monaco, il plonge dans la littérature scientifique et recueille des données sur les naufrages passés, les techniques de survie et les effets physiologiques de la privation de nourriture et d'eau. Ses premières recherches le conduisent à remettre en question les idées reçues de l'époque, notamment l'idée que l'eau de mer est systématiquement mortelle lorsqu'elle est ingérée. Bombard développe ainsi l'hypothèse que l'être humain pourrait survivre en mer en consommant modérément de l'eau de mer, complétée par le liquide extrait des poissons et des algues, et en se nourrissant de la faune marine accessible.

Fort de ses premières découvertes, il commence à partager ses idées au sein de la communauté scientifique, mais se heurte à un scepticisme généralisé. Les experts de l'époque sont réticents à accepter ses théories, jugées trop audacieuses et contraires aux enseignements médicaux traditionnels. Pourtant, cette opposition ne fait que renforcer la détermination de Bombard. Il décide alors de prouver par lui-même la validité de ses hypothèses en préparant une expérience grandeur nature : la traversée de l'Atlantique en solitaire, sans provisions, uniquement armé de ses connaissances et de son courage.

Alain Bombard, de navigateur à naufragé…volontaire

De Monaco à la Barbade

La traversée de l'Atlantique par Alain Bombard en 1952 reste l'un des exploits les plus audacieux de l'histoire maritime. Cette aventure, entreprise pour démontrer que l'homme peut survivre en mer sans provisions, commence le 25 mai 1952 à Monaco, lorsqu'il met à l'eau son petit canot pneumatique de quatre mètres baptisé "L’Hérétique". Ce nom, choisi par Bombard, reflète bien l'esprit de défi et de provocation qui anime ce médecin passionné par la survie.

Il réalise la première étape de son périple accompagné d’un marin anglais, Jack Palmer. Leur premier objectif est de longer les côtes méditerranéennes et rejoindre les îles Baléares. Dès ces premiers jours, Bombard et son compagnon se confrontent à l'isolement, aux caprices de la mer, et aux doutes sur la faisabilité de son entreprise. En effet, après près de 3 semaines d’errance, ils atteignent les Baléares affaiblis et déshydratés : une maigre pêche et une absence de précipitations a mis à rude épreuve les théories de Bombard. L'embarcation se fait alors remorquer par un cargo jusqu’à Tanger. Cette première étape laborieuse conduit Jack Palmer à quitter l’aventure et Alain Bombard en profite pour se refaire une santé en rentrant voir à Paris, sa famille mais aussi ses mécènes.

Le 13 août 1952, Bombard reprend la mer. De Tanger, il rejoint Casablanca puis Las Palmas. La dernière étape du voyage est la plus longue et la plus périlleuse. Il part le 19 octobre de Las Palmas pour sa grande dérive vers les Antilles. La traversée est éprouvante. l’Hérétique prend l’eau et la pluie est absente les trois premières semaines. Affaibli par les diarrhées et la perte de poids, il écrit son testament le 6 décembre et accepte l’aide et un repas de la part du capitaine du cargo l’Arakaka. Après cette pause qui sera décriée par ses détracteurs, il reprend la mer et atteint la Barbade le 23 décembre. Il est accueilli par des pêcheurs locaux, méconnaissable, amaigri, mais vivant. Son exploit est salué dans le monde entier, et son arrivée marque la fin d'une aventure qui aura repoussé les limites de l'endurance humaine. Alain Bombard a non seulement survécu à l'Atlantique, mais il a également changé notre compréhension de la survie en mer, prouvant que, dans les conditions les plus extrêmes, l'homme peut puiser dans les ressources de la nature et de son propre esprit pour défier les éléments.

Carte de la navigation d’Alain Bombard à travers l’Atlantique

Traversée de l'Atlantique par Alain Bombard



  • 25 Mai 1952 : Départ d’Alain Bombard et Jack Palmer de Monaco
  • 12 juin 1952 : Arrivée aux Baléares et retour à Paris
  • 13 août 1952 : Alain Bombard reprend la mer seul de Tanger vers Casablanca puis Las Palmas
  • 19 octobre 1952 : Début de la traversée de l’Atlantique
  • 6 décembre 1952 : Rédaction de son testament
  • 23 décembre 1952 : Arrivée à la Barbade

N’hésitez pas à découvrir mes cartes anciennes de l’Afrique du Nord ou encore cette magnifique carte de l’Atlantique pour vous figurer le voyage d’Alain Bombard !

Alain Bombard, navigateur, sauveur ou excentrique ?

Les conseils d’Alain Bombard pour survivre en mer

De ses recherches et son expérience lors de la traversée de l’Atlantique naîtra un ensemble de conseils précieux pour les naufragés. 

Selon Bombard, il est essentiel de : 

  • Boire : il considère l’eau de mer en quantité inférieure à un litre par jour un moyen de retarder la déshydratation, tout comme l’eau issue de poissons pressés et l’eau de pluie.
  • Manger : Se nourrir de poissons pêchés ainsi que de plancton.
  • S’occuper : Afin de lutter contre le désespoir et l’ennui, il est primordial de rythmer sa journée
  • Se méfier : des espadons, susceptibles de crever l’embarcation, des requins et surtout du désespoir.

Ces conseils ont bouleversé les connaissances de l'époque sur la survie maritime et sont encore aujourd'hui intégrés dans les manuels de survie.

Le travail de Bombard sur les canots de sauvetage : la victoire du mou sur le dur

Alain Bombard a également laissé une empreinte durable dans le domaine des canots de sauvetage. Convaincu que les canots rigides en bois ou en métal ne favorisaient pas la survie, il prône l’utilisation de canots pneumatiques, plus souples et résilients face aux vagues et au vent. Cette approche, qu’il nomme la "victoire du mou sur le dur", reflète sa croyance que l’adaptabilité et la flexibilité sont cruciales en situation de survie. Son engagement a conduit à une révolution dans la conception des équipements de sauvetage, les canots pneumatiques devenant une norme internationale. Aujourd’hui, les canots gonflables sont un équipement de sécurité incontournable sur tous les navires, témoignant de l’influence durable de Bombard dans ce domaine.

Une postérité ombragée par des zones de flou

Malgré ses contributions indéniables, la postérité d'Alain Bombard est marquée par des controverses et des zones d'ombre. Le drame d’Étel en 1958, où une simulation de naufrage pour tester ses théories a tourné au drame, causant la mort de quatre marins, a jeté une ombre sur sa réputation. De plus, des doutes ont été soulevés concernant la véracité de sa traversée de l'Atlantique. Certains ont questionné si Bombard n’avait pas secrètement reçu de l’aide pendant son périple, jetant le doute sur ses conclusions. Enfin, son comportement, parfois jugé contre les conventions, a suscité des critiques, notamment pour son approche radicale et ses prises de position controversées.

Le navigateur Alain Bombard aujourd’hui

Décédé en 2005, Alain Bombard demeure une figure emblématique et paradoxale de l'histoire maritime. Innovateur audacieux, il a remis en question les idées préconçues sur la survie en mer et a contribué de manière significative à l'amélioration des équipements de sauvetage. Ses théories et ses expérimentations ont sauvé des vies et continuent d'influencer les protocoles de survie. Cependant, son héritage est également marqué par des zones d'ombre et des controverses qui ternissent quelque peu la clarté de ses accomplissements. Alain Bombard a laissé un héritage complexe, fait de succès indéniables mais aussi de questions non résolues, qui continue de susciter l'admiration autant que le débat.

Si les histoires d'aventures vous intéressent, découvrez également l'histoire d'Alexander Selkirk, le vrai Robinson Crusoé ou encore le fameux périple de Dona Isabel à travers l'Amazonie !

Pour en savoir plus, je recommande la lecture de son ouvrage Naufragé Volontaire ou encore le visionnage de ce documentaire de Stéphane Bern :

Retour au blog