
Le Livre de Roger : un trésor de la cartographie médiévale signé Al-Idrissi
Au XIIe siècle, à une époque où le monde était encore largement inexploré et méconnu, un savant du nom d'Al-Idrissi produisit une œuvre exceptionnelle qui allait marquer l'histoire de la géographie et de la cartographie : le Livre de Roger. Commandé par le roi normand Roger II de Sicile, cet ouvrage représente une synthèse unique des connaissances géographiques de l’époque, compilées à partir de récits de voyageurs, d’observations scientifiques et de traditions anciennes. Dans cet article, nous plongeons dans l’histoire fascinante d’Al-Idrissi, dans la création de cette œuvre majeure, et dans les détails de la carte du monde qu’elle contient.
Al-Idrissi : le savant derrière le Livre de Roger
Abu Abdallah Muhammad ibn Muhammad ibn Abdallah ibn Idriss al-Qurtubi al-Hassani, plus connu sous le nom d’Al-Idrissi, fut l’un des plus grands géographes du Moyen Âge. Né en 1100 à Ceuta, sur la côte nord-africaine, il descendait d’une famille noble ayant des liens avec Idris Ier, arrière-petit-fils de Mahomet. Son éducation fut marquée par des études à Cordoue, le centre intellectuel et culturel de l’Empire almoravide, où il se forma dans les sciences, la géographie et la cartographie.
Al-Idrissi voyagea à travers l’Europe, le Maghreb et les régions méditerranéennes, enrichissant ses connaissances par ses propres observations et les récits des marchands et navigateurs qu’il rencontra. En 1139, il s’installa à Palerme, en Sicile, à la cour du roi Roger II. Là, il fut invité à compiler ses savoirs dans une œuvre qui serait à la fois scientifique et artistique : le Livre de Roger. Pendant vingt ans, il travailla sans relâche pour collecter des données et produire ce qui allait devenir une référence majeure dans l’histoire de la cartographie.
Le Livre de Roger : une commande royale d’Al-Idrissi
Le Livre de Roger, ou Kitāb nuzhat al-mushtāq fī ikhtirāq al-āfāq, est une œuvre monumentale réalisée par Al-Idrissi à la demande de Roger II, roi de Sicile. Ce souverain éclairé, passionné de savoir, souhaitait une représentation exhaustive et précise du monde connu, à une époque où les informations géographiques étaient encore fragmentaires et souvent inexactes.
La carte du Monde du Livre de Roger par Al-Idrissi
Achevé en 1154, le Livre de Roger combine un planisphère gravé sur un disque d’argent et un texte décrivant en détail les régions cartographiées. L’ouvrage est divisé en sept zones climatiques, selon le modèle de Ptolémée, et chaque zone est subdivisée en sections longitudinales. Al-Idrissi y décrit les conditions physiques, les cultures, et les infrastructures des régions représentées, témoignant d’une précision étonnante pour l’époque.
Pour collecter ses informations, Al-Idrissi s’appuya sur des récits de voyageurs et des sources écrites. Des informateurs venus de différentes régions d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient contribuèrent également à son travail. Cette collaboration unique permit de produire un document remarquablement détaillé, alliant les traditions scientifiques arabes, byzantines et occidentales.
La carte du monde dans le Livre de Roger par Al-Idrissi
La carte du monde incluse dans le Livre de Roger, orientée avec le sud en haut, est l’une des plus précises du Moyen Âge. Elle représente les continents eurasiatique et africain et regorge de détails fascinants sur les régions du monde connu à l’époque.
La Bretagne
Al-Idrissi consacre une attention particulière à la Bretagne, qu’il décrit avec une grande précision. Il mentionne treize villes, dont Léon (actuellement Douarnenez), Saint-Mathieu, Saint-Malo, Dinan et Vannes. Bien que la péninsule armoricaine soit légèrement exagérée dans ses proportions, ses contours montrent une connaissance géographique avancée.
Les sources du Nil
S’inspirant des théories de Ptolémée, Al-Idrissi place les sources du Nil dans des montagnes mythiques alimentées par des neiges éternelles. Il décrit également les affluents se rejoignant pour former le grand fleuve qui traverse l’Afrique et se jette dans la Méditerranée.
L’océan Indien
Al-Idrissi illustre l’océan Indien avec des détails qui témoignent des récits de marins. Il représente l’Inde sous une forme triangulaire distinctive, incluant le Sri Lanka, alors nommé « Taprobane ».
Le continent austral hypothétique
À défaut d’informations précises sur les terres situées au sud de l’équateur, Al-Idrissi imagine un continent austral hypothétique. Cet ajout témoigne de la volonté de compléter la carte avec une vision équilibrée, bien que spéculative.
La Sicile
Al-Idrissi accorde une place centrale à la Sicile, point de rencontre des cultures occidentales, byzantines et musulmanes. La description de l’île illustre son importance géopolitique et économique, notamment sous le règne de Roger II.
Conclusion
Le Livre de Roger et la carte réalisée par Al-Idrissi sont des témoignages exceptionnels du savoir géographique et culturel du XIIe siècle. En combinant des données empiriques, des récits historiques et une vision artistique, Al-Idrissi a produit une œuvre intemporelle qui continue de fasciner. Ce chef-d’œuvre de la cartographie médiévale nous offre une fenêtre unique sur la perception du monde à l’époque, témoignant de l’héritage d’un géographe visionnaire et du dynamisme intellectuel de la cour de Sicile. Une invitation à explorer le monde avec des yeux d’un autre temps.
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